29 mai 2004

Piotr & Pierre
Il y a bientôt un an, je me laissais aller ici même à des confidences sur mes rapports amoureux avec la musique, celle en particulier que l'on appelle "classique". Or, si je l'avais découverte, cette amie, dès l'enfance, je n'entretenais pas avec elle, jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans au moins, des rapports très érudits. C'est incidemment que j'appris, au détour d'un couloir de lycée, de la bouche d'une fille de musiciens qui ne s'adressait pas à moi, qu'on ne devait pas, surtout pas, jamais applaudir entre les mouvements d'une symphonie (plus exactement, la jeune fille bien élevée en question se plaignait de ce que la populace qui fréquentait les lieux du bon goût fût si ignorante de règles de bienséance aussi fondamentales).
Donc je sais qu'on n'applaudit pas entre les mouvements d'une symphonie. Ni d'un concerto. A ce propos, dans la même période de découverte des joies de la musique symphonique, je me réjouis un jour que Keith Emerson eût composé un "concerto en trois mouvements" ; on me rétorqua alors qu'un concerto était toujours en trois mouvements. Je me suis aperçu, depuis, que c'est inexact. Bref.
La Symphonie pathétique de Tchaïkovski, comme beaucoup, est en quatre mouvements et il s'agit de ne pas applaudir n'importe quand. Seulement voilà : le troisième mouvement est joyeux (une joie quand même un peu trop appuyée pour être honnête) et s'achève comme on peut imaginer que s'achève une symphonie, crescendo, coups de grosse caisse et de cymbales etc. Forcément, beaucoup applaudissent. Et beaucoup aussi font "chut !" en se retournant, parce qu'ils savent, eux, que ce n'est pas terminé (et le finale, proprement pathétique, est de ceux qui vous foutent le cafard pour un bout de temps).
Où je veux en venir ? Simplement à dire que ce que dit Pierre Bourdieu à propos du "capital culturel" se trouve confirmé chaque fois qu'est jouée la Sixième Symphonie de Tchaïkovski.

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