Désolé
Désolé de ne plus rien écrire, de ce silence que j'impose.
Désolé de ne même pas vous en dire les raisons, pourtant si simples.
Je m'étais rouvert la voix le 3 avril dernier, il y a bientôt deux semaines.
J'aimerais que l'on prenne au sérieux ce que je disais.
J'ai employé un mot grave - "aphasie" -, moi qui n'ai jamais su, pour certains que j'aimais, mettre un nom sur leur maladie.
J'ai appris récemment que l'historienne Nicole Loraux venait de décéder. Elle avait il y a quelques années été victime précisément d'aphasie (mais cette fois, bien sûr, au sens propre et terrible du mot). Ce qu'il y a de drôle ici (drôle au sens de triste, évidemment), c'est que Nicole Loraux s'était beaucoup intéressée aux discours (notamment dans sa thèse sur l'oraison funèbre athénienne, L'Invention d'Athènes).
Un génie qui meurt est toujours un drame (voyez Borges).
Un génie qui se tait en est un plus grand encore. Car dans ce silence ce cachent peut-être des explications du monde.
J'ai appris le décès de Nicole Loraux alors que je m'étais, volontairement ou sans y penser, coupé du monde, mettant symboliquement un bras de mer entre la guerre et moi (car le monde aujourd'hui, c'est d'abord la guerre, n'est-ce pas ?).
Il suffit de mettre un peu de distance avec ce qui nous écrase pour se sentir libéré. Au moins, je le pense parfois, avec l'aide de ma naïveté sauvegardée.
Mais je n'ai rien construit pendant ces jours où j'étais heureux. L'effet euphorisant ne dure que l'instant même. Et je retrouve ici ma désolation.
Désolé, tout simplement.
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